Groupe -T- La construction du troisième pont sur le Bosphore
Le 17.10.24Ingénieur civil diplômé EPFL, Vincent Bujard est le président du groupe T ingénierie (Holding) SA. Il nous a présenté la construction du "3ème pont sur le Bosphore".
Ce jeudi 17 octobre 2024, Monsieur Vincent Bujard, ingénieur civil diplômé de l'EPFL et président du groupe -T- Ingénierie, nous a présenté la construction du troisième pont sur le Bosphore, reliant l’Europe à l’Asie.
Cet ouvrage d’art, détenteur de plusieurs records du monde, a été conçu pour soulager les deux ponts existants, mais il constitue également un symbole de prestige souhaité par le président turc Recep Tayyip Erdoğan.
L'une des principales exigences était qu'il soit construit en seulement 36 mois, nous a expliqué Monsieur Bujard, en comparant ce projet à l'une de ses réalisations genevoises : le magnifique pont haubané sur l’autoroute au Grand-Saconnex, dont la construction a duré 22 ans en raison de la lenteur des procédures administratives.
Le pont sur le Bosphore devait être un pont suspendu afin d'assurer une continuité architecturale avec les deux premiers ouvrages, tout en supportant une autoroute de deux fois quatre voies ainsi que deux voies de chemin de fer sur une portée de 2 275 mètres.
C’est le projet de pont hybride proposé par le bureau d’ingénierie genevois -T- Group qui a été retenu. Ce pont est haubané à proximité des mâts et suspendu en son milieu, ce qui permet de réduire les déformations sous charge.
Il se distingue par son élégance, avec ses deux mâts de 330 mètres de hauteur, si imposants que la rotondité de la Terre engendre une différence d’environ 10 cm à leurs sommets.
Situé à 80 mètres au-dessus de la mer, le tablier, large de 58,50 mètres, est constitué d’éléments en acier de 900 tonnes, assemblés bout à bout, et maintenus par des câbles. À noter que la partie centrale du pont s’étend sur une portée de 1 408 mètres, pour une longueur totale de 2 275 mètres.
En mars 2013, le chantier débute avec la construction des fondations des mâts et la réalisation des blocs d’ancrage des câbles aux deux extrémités du pont. Ces blocs sont composés de 88 boîtes d’ancrage, pour un poids total de 2’820 tonnes.
Dans un premier temps, les mâts sont construits à l’aide de la technique du coffrage glissant, qui permet une élévation continue de plusieurs dizaines de centimètres par heure. À partir d’une hauteur de 208 mètres, la technique du coffrage grimpant est utilisée, nécessitant l’emploi d’une grue. La section d’environ 15 mètres carrés des mâts confère à l’ouvrage une grande élégance.
En novembre 2014, les selles de 100 tonnes chacune, destinées à supporter les câbles porteurs, sont hissées à une hauteur de 304,20 mètres. À titre d’anecdote, il est intéressant de noter que les architectes ont dû refuser la première livraison de ces éléments massifs en raison de porosités dans l’acier.
Un autre retard a suscité l’inquiétude des ingénieurs : les mâts ont été achevés avant que le tablier n’avance. Or, ces mâts ne sont ancrés qu’à 20 mètres de profondeur et leur stabilité dépend du tablier, ce qui faisait craindre un basculement sous l'effet du vent. Heureusement, ce scénario ne s’est pas produit, et en décembre 2014, le premier élément du tablier a été assemblé à l’aide de la plus grande grue flottante du monde.
En juin 2015, le câble pilote et la passerelle sont mis en place, permettant ainsi l’installation des câbles porteurs. Chacun de ces câbles est composé de 127 fils de 5,4 mm, extrudés en section hexagonale et disposés selon une structure en « nid d’abeille » PPWS (Prefabricated Parallel Wire Strands). Ces câbles porteurs sont ensuite solidarisés par une série de colliers formant un tube protecteur sur toute leur longueur.
En décembre 2015, le tablier atteint son encorbellement maximal de 508 mètres, marquant l’achèvement de la partie haubanée. C’est alors que débute la construction de la section centrale suspendue. Le 6 mars 2016, l’élément de fermeture, ultime pièce centrale du tablier, est mis en place, complétant ainsi l’assemblage du pont. Le délai de 36 mois a été respecté.
Le 26 août 2016, le pont, baptisé Yavuz Sultan Selim, est inauguré en présence du Président turc.
En réponse aux nombreuses questions de nos membres, nous avons également appris que le remplacement des câbles porteurs était possible et que l’ouvrage a coûté près de 800 millions d’euros.
Pour remercier Monsieur Vincent Bujard de cette conférence passionnante, illustrée par un magnifique diaporama retraçant les différentes étapes du chantier, notre président lui a remis un stylo Caran d’Ache en guise de reconnaissance.
Texte Christophe Lyner
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